OpenAI défie Google avec son navigateur « Atlas » mais trébuche sur ses propres annonces
Le pionnier de l’intelligence artificielle, OpenAI, créateur de ChatGPT, se lance sur le marché des navigateurs avec un produit nommé « Atlas ». L’ambition est claire : s’attaquer frontalement à Google et à son hégémonie avec Chrome. Ce lancement stratégique intervient cependant au moment où l’entreprise fait face à des moqueries suite à une annonce précipitée sur les capacités de son futur modèle, GPT-5.
Un navigateur aux ambitions titanesques
Le nom n’est pas anodin. Dans la mythologie grecque, le titan Atlas porte le ciel sur ses épaules. Le navigateur d’OpenAI formule des exigences tout aussi vastes : « Atlas » prétend trier l’intégralité des connaissances de ses utilisateurs. Il devrait permettre de répondre à des questions ou de résumer des informations dans une fenêtre parallèle, sans que l’utilisateur n’ait besoin d’ouvrir ChatGPT séparément pour y copier des liens ou des textes. Le comportement de recherche sera également intégré. L’entreprise cite l’exemple d’un navigateur capable de rechercher de manière autonome des cadeaux de Noël pour un partenaire, en se basant sur les suggestions précédemment consultées.
Un enjeu stratégique et financier
Disponible dès aujourd’hui (22 octobre 2025) d’abord sur les ordinateurs Apple, « Atlas » est prévu plus tard sur Windows, ainsi que sur les systèmes d’exploitation mobiles iOS et Android. Sam Altman, PDG d’OpenAI, a évoqué une opportunité rare de « repenser ce que peut être un navigateur et comment on l’utilise ». Mais au-delà de l’innovation, l’enjeu est aussi financier. OpenAI espère enfin monétiser son succès. Car si plus de 800 millions de personnes utiliseraient ChatGPT, l’entreprise continue d’enregistrer des pertes. Elle spécule désormais sur de lucratives recettes publicitaires générées via son navigateur.
Le défi de détrôner le leader
Pour l’expert numérique Roland Fiege, ce navigateur est une étape logique : « Depuis près de trois ans, nous jonglons entre Google et ChatGPT. Les réunir est pertinent du point de vue de l’utilisateur. » Il admet toutefois que la tâche ne sera pas aisée. Selon StatCounter, Chrome capte environ 70 % des pages vues mondiales, la part de marché de Google dans la recherche étant encore plus élevée. « Les gens sont habitués à Google depuis des décennies. Changer ces habitudes ne sera pas facile », analyse M. Fiege, tout en estimant que cela reste possible à moyen terme. L’histoire a montré que les monopoles peuvent tomber : lors de son lancement en 2008, Chrome de Google s’attaquait à Internet Explorer de Microsoft, alors jugé intouchable. Grâce à sa rapidité et son ergonomie, Chrome a fini par évincer son rival.
La concurrence réagit vivement
Google prend cette nouvelle concurrence au sérieux et a réagi quelques jours avant le lancement d’Atlas en intégrant ses propres fonctions d’IA, basées sur son système Gemini, dans Chrome. D’autres acteurs, comme Perplexity (soutenu notamment par Jeff Bezos et Nvidia), ont également lancé leur propre navigateur IA, « Comet ». La bataille pour les annonceurs ne fait que commencer.
L’emballement médiatique autour de GPT-5
Alors qu’OpenAI entre dans cette arène commerciale, l’entreprise doit gérer les retombées d’une communication hasardeuse. Des employés éminents d’OpenAI ont en effet suscité un vif émoi en affirmant que le nouveau modèle GPT-5-Pro avait résolu plusieurs problèmes mathématiques (les problèmes d’Erdős) restés sans solution humaine depuis des décennies. Sébastien Bubeck, chercheur chez OpenAI, a tweeté que GPT-5 Pro avait résolu un problème en découvrant qu’il avait, en fait, déjà été solutionné il y a 20 ans. Kevin Weil, chef de produit, a surenchéri (dans un tweet désormais supprimé) en annonçant que GPT-5 avait résolu 10 problèmes d’Erdős « non résolus ».
Une « erreur d’interprétation dramatique »
Le soufflé est rapidement retombé. Le mathématicien Thomas Bloom, qui gère le site erdosproblems.com listant ces problèmes, est intervenu. Il a expliqué que le statut « ouvert » (offen) sur son site ne signifiait pas « non résolu », mais simplement que lui, en tant qu’administrateur, n’avait pas connaissance d’une publication résolvant le problème. Cette nuance cruciale change tout : GPT-5 n’a pas résolu de problème inédit, il a simplement effectué une recherche documentaire efficace.
Le « perroquet stochastique » moqué
L’incident a déclenché les railleries de la communauté scientifique. Il renforce la critique populaire, résumée par la linguiste Emily Bender, selon laquelle les grands modèles de langage (LLM) ne sont que des « perroquets stochastiques » : des systèmes qui répètent des informations apprises par probabilité, sans réelle intelligence de résolution de problèmes. Les tweets d’OpenAI suggéraient que GPT-5 avait dépassé ce stade. Yann LeCun, sommité de l’IA, a ironisé sur X, commentant que l’entreprise était « prise à son propre piège » du battage médiatique (hype). En résumé, un malentendu a généré un emballement médiatique suivi d’une humiliation publique, rappelant qu’à ce jour, même le puissant GPT-5 reste un « perroquet », certes très doué.





